Chronique de mon quotidien (n°4)
Nadine Lietar - jeudi 28 avril 2016
Une soirée très arrosée.
Dix sept heure, le ciel
s’assombrit sous l’auberge, le vent se lève, le tonnerre gronde au loin….pleuvra
t-il ou pas ? J’aime la pluie, j’aime cet atmosphère de fin du monde.
Dix huit heure, le vent se
déchaine, le ciel est encore plus sombre et quelques gouttes tombent. La lumière
est belle et la terre sent bon la pluie. On respire enfin, la fraîcheur
progressivement fait son apparition, on ouvre grand les fenêtres. Vu la force du
vent, on rentre en vitesse les parasols, on ferme vite, vite les volets de la
cuisine. Une demi-heure après, c’est la tempête, la nature est en furie. Ce ne
sont plus des gouttes mais des trompes d’eau qui s’abattent sur le site. Il fait
gris-noir, le vent soulève la poussière et chasse la pluie dans tous les sens,
le maïs se plie, les eucalyptus semblent chanceler. La cuisine de notre maison
commence a bien être mouillée. Impossible de fermer les fenêtres, nous n’en
avons pas mis, histoire d’avoir encore plus de fraîcheur et de ventilation dans
cette pièce. Il y a juste des moustiquaires et des rideaux thermiques pour
toujours s’isoler mieux de la chaleur. Comme deux cons, on décide de fermer les
rideaux de mettre les tabourets devant afin d’éviter que trop d’eau ne rentre
dedans. Hé, hé , Dame nature ne l’entend pas ainsi, les tabourets sont très vite
renverser par le vent …Et nous voilà, encore plus cons, assis sur les tabourets,
bien amarrés, dos collé aux rideaux, faisant rempart au vent et à la pluie. Nous
ressemblons à deux matelots sur un bateau ivre, la pluie nous rince le dos. La
pluie et son complice le vent ont décidé de faire la fête ce soir, notre
paillote extérieure s’est écroulée, les chaises volent chez le voisin, les
cendriers se taillent dans le champ, les bancs se retournent mais, mais quoi
donc ….. nos loupiottes solaires accrochées à la paillote écroulée et aux arbres
résistent. Si légères, si peu fixées, elles font front à la tempête.
Je commence à m’inquiéter pour
les clients, où sont –ils, à l’abri dans la chambre, sous la grande paillote et
pour l’auberge. Des éclairs illuminent le ciel, le tonnerre continue à se faire
entendre. Je téléphone au bar (dingue, le réseau fonctionne) , S. me dit que
tout va bien et que les clients sont dans leur chambre. Et pendant ce temps là,
nous sommes toujours assis sur nos tabourets, le dos trempé, les cheveux
mouillés essayant péniblement d’éviter que la cuisine ne soit inondée.
Impossible pour le moment d’aller voir les clients, la pluie est trop abondante.
J’aime bien la pluie, je l’ai dit mais quand même là « ça suffit, maintenant »
Vers dix neuf heure, le vent
semble se calmer, j’en profite pour sortir de la maison mais la pluie est encore
bien présente. Quelques mètres plus loin, j’ai déjà les pieds dans l’eau, la
boue…. « un ruisseau » coule juste devant le bureau. J’entends les clients dans
leur chambre, je m’en vais les voir. Les enfants veulent sortir, ils n’en
peuvent plus d’être enfermés, la maman sort aussi avec la petite dernière dans
le porte-bébé. Toutes les deux, sous un parapluie, on se dirige vers le
restaurant, tandis que les enfants, les plus grands, s’égaient dans la boue et
les autres « ruisseaux » qui se sont formés sur le site. Je jette un regard
autour de moi et me dit qu’il doit y avoir des dégâts mais il fait noir, seuls
quelques endroits sont éclairés. Ceci dit, bonne nouvelle, l’électricité
fonctionne, pas de câble touché. Le sol est jonché de feuilles et de branches.
Pour la famille, il est grand temps de commander le diner. La cuisine réouvre
ses portes et fenêtres, il faudra juste se débrouiller pour le service car entre
la cuisine et le restaurant, il ya plusieurs mètres et les serveurs vont devoir
protéger les assiettes afin qu’elles n’arrivent pas complètement trempées et
remplies d’eau sur la table. Mais ça va aller comme on dit ici…Si ils prennent
un parasol, cela couvre bien le tout mais ils doivent être à deux….un qui tient
le parasol et l’autre qui tient le plateau. C’est folklorique. Je laisse la
petite famille, je suis déjà rassurée qu’il ne pleuve pas leur chambre. Il
suffit d’un trou ou deux dans la tôle pour que l’eau s’infiltre dans le faux
plafond et coule le long des murs ou encore que les fenêtres ne soient pas
suffisamment hermétiques pour que l’eau rentre également et s’aventure sur le
sol. Petit passage à la piscine, elle ressemble à un bain d’eucalyptus, des tas,
mais des tas de feuilles flottent sur l’eau, cela sent bon mais le nettoyage
demain matin sera long. Sur le site, il y a un nombre impressionnant
d’eucalyptus, je crains donc que plusieurs branches ou arbres ne soient tombés.
Il pleut toujours mais moins fort
et le vent s’en est allé. Je rentre à la maison, il est grand temps de racler
cette merveilleuse cuisine. Toutes portes ouvertes, je chasse l’eau à grand coup
de raclette….l’air est frais, j’en profite. Nous allons bien dormir ce soir, 24°
à la place de 34°, cela change toute une nuit !
Vingt heure, vingt heure trente,
il est venu le temps de manger. Il pleuvine toujours…..
Le lendemain, voici venu l’heure
des constats. Les gars s’affairent à balayer le sol, à couper les arbres qui
sont tombés. Trois arbres sont tombés et on a eu la chance car un a failli
s’écrouler sur le toit d’un bungalow. De nombreuses mangues se sont également
détachées des arbres et jonchent le sol du verger. Il faut appeler les femmes du
village pour qu’elles viennent les ramasser. Evidement, elles vont les trier et
ne prendront que celles qui ne sont pas gâtées. C’est donc une perte sur notre
production et financièrement aussi. Elles ramassent quatre vingt kilos, demain
nous ramasserons les gâtés et nous ferons de la confiture à gogo. Reste à
contrôler les chambres, à vérifier que la pluie ne s’est pas incrustée par ci
par là. Constat ; trois chambres touchées et un cuirassé coulé….mais non, je
sais, ce n’est pas une bataille navale, même si je suis restée longtemps sur le
pont de mon bateau hier soir. Les dégâts ne sont pas importants. W s’affaire à
ramasser à l’épuisette les feuilles dans la piscine et à bien nettoyer le fond
de cette magnifique piscine qui est quand même un peu verte. Les enfants
s’impatientent, ils veulent aller nager mais ils doivent attendre que W termine.
Ce travail lui prendra trois heures.
L’air est encore frais, 35 °, un
vent léger persiste et l’humidité augmente. L’auberge n’a pas eu trop de dégâts
mais qu’en est-il ailleurs. Je demande à l’un ou à l’autre ce qu’il en est chez
eux et dans les villages avoisinants. De nombreux toits se sont envolées,
certaines maisons en banco (en terre) se sont écroulées, des arbres déracinés et
le pire, une voiture avec trois passagers n’a pu traverser le bas fond derrière
le dispensaire. La voiture s’est aventuré dans le bas fond sans préalablement
mesurer la hauteur de l’eau, très vite, elle s’est retrouvé avec les portières
coincées par la pression de l’eau, impossible de sortir et ensuite évidemment la
force de l’eau la entrainée….pas de survivants. Faut-il être inconscient ou
bête….. en brousse, tout le monde te dit de ne pas sortir, ni de bouger à pied,
en vélo, en moto ou en voiture quand le vent et la pluie se déchainent. Trop de
risque qu’un arbre, une branche ne te tombent dessus, quant au bas fond,
d’habitude, avant de le traverser, tu vas voir la hauteur de l’eau, si elle
t’arrive au dessus de la taille, tu sais que c’est problème !
Il est treize heure, il y a
encore beaucoup de boulot de nettoyage du site mais tout sera nickel pour le
week-end.
Et pendant ce temps là, une cinquantaine de pintades ont pris d’assaut le champ de mon voisin dans un brouhaha infernal, les clients se promènent, visitent la tortue, les lapins, profitent de la piscine et du bébé-foot, comme dit mon petit fils et un vieux que je ne connais pas et personne de l’équipe non plus d’ailleurs, d’un village loin, loin, m’amène un paquet d’ordonnances. Il parle moré, je ne comprends rien. Hervé traduit ; en fait, il souhaite car il n’a plus d’argent, que je lui paie ces ordonnances.
Allez, m’en vais, sous le soleil
qui a fait son entrée, ramasser les branches et les feuilles sur ma terrasse.